Pierre Soulages, les clés de l'oeuvre peint
Vendredi 7 février 2025Conférence de Benoît Decron

Nos adhérents ont vécu une journée particulièrement enrichissante ce vendredi 7 février.
Dès le matin, notre groupe a assisté à une conférence animée par Benoît Decron, conservateur du musée Soulages de Rodez. Il a commencé son intervention en évoquant l’enfance aveyronnaise de cette figure majeure de l’abstraction.
Les débuts de Pierre Soulages
Pierre Soulages (1919-2022) manifeste très tôt son goût pour cet art et peint de manière régulière dès 1934. Ses premières œuvres sont figuratives, mais on perçoit déjà son faible intérêt pour le sujet. Il compare d’ailleurs les formes des arbres qu’il peint à des “ sculptures abstraites”. Ces structures apparaîtront de manière manifeste dans ses huiles d’après-guerre.
Sa démarche artistique
La part du hasard joue un rôle essentiel dans sa démarche comme en témoigne cette déclaration de 1948: ” C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ». La technique n’est pas pour autant négligeable. Loin de se limiter au pinceau, il utilise des brosses larges, des spalters, des pinceaux à rechampir. Il fabrique aussi lui-même ses propres outils. Il pose et retire la matière, ses toiles installées à même le sol, créant des compositions à base de lignes épaisses. Il fait construire ses châssis selon le nombre d’or, et privilégie des formats de plus en plus grands. Même si le noir est son pigment préféré, son oeuvre n’est pas monochrome contrairement aux idées reçues.Sa palette comprend aussi le rouge, le bleu, le vert, le brun ou le jaune . Il commence toujours par le fond, applique la peinture, la recouvre, l’enlève, la recouvre à nouveau révélant ainsi les couleurs sous-jacentes.
Le brou de noix
Dès 1946, il adopte le brou de noix, séduit par ses qualités picturales. Il joue sur la transparence et l’opacité, la netteté et le flou. Les œuvres réalisées à l’aide de ce matériau témoignent de son intérêt pour la calligraphie japonaise (on pense en particulier au peintre calligraphe japonais Morita), mais aussi pour le travail des artisans et des sculptures à base de fer à béton. Les architectes du musée Soulages de Rodez ont voulu retrouver ces nuances de brun et de roux avec l’emploi de l’acier corten.
L’invention de l’Outrenoir : une révolution picturale
Une date importante est celle de février 1979, moment où il invente la peinture Outrenoir , ce noir qui se caractérise par différentes textures et couvre la totalité de la toile, accueille la lumière et ses reflets. C’est la grande révolution de Soulages pour qui “la peinture est un espace de questionnement et de médiation où les sens qu’on lui prête peuvent se faire et se défaire. Parce qu’au bout du compte, l’œuvre vit du regard qu’on lui prête.”
Les vitraux de Conques : un dialogue entre lumière et matière
Ce souci de la lumière se manifeste aussi dans les vitraux qu’il conçoit de 1986 à 1994 avec le maître verrier Fleury pour l’abbatiale Sainte-Foy de Conques, tant admirée par le peintre adolescent.
Il invente alors un verre spécifique, translucide, mais pas transparent dont la lumière illumine l’intérieur de l’abbatiale, changeant au fil des heures de la journée.
Soulages et l’estampe : une autre facette de son œuvre
Soulages est aussi un maître de l’estampe : entre 1952 et 2008, il en produit plus de 123 .Il œuvre aux côtés des ouvriers, sans déléguer ses lithographies aux ateliers. Là, les aplats de bleu et de rouge s’associent au noir de l’encre lithographique et au blanc du papier.
Après une si passionnante présentation, gageons que beaucoup ont désormais envie de se rendre au musée Soulages, un espace d’autant plus captivant que le peintre lui-même a contribué à son aménagement.
Un moment convivial et la visite du Musée des Beaux-Arts
Un moment de convivialité a ensuite réuni tous les adhérents et notre conférencier autour d’un repas à l’Automobile Club .
Enfin, notre groupe s’est dirigé vers le Musée des Beaux Arts. Deux œuvres leur ont été présentées : La vue d’une partie du port et des quais de Bordeaux de Pierre Lacour père (1745-1814) et La leçon de labourage de François-André Vincent (1746- 1816). Chacun a ensuite pu poursuivre la visite de manière autonome et se rendre en particulier à l’espace présentant “l’hommage à Goya”, un accrochage qui célèbre le bicentenaire de l’arrivée de cet artiste à Bordeaux.
Pour aller plus loin :
- Soulages / catalogue Broché – Illustré, 11 décembre 2019 sous la direction de Pierre Encrevé et Alfred Pacquement.
- Les derniers Soulages: 2010-2022 Relié – Illustré, 6 juillet 2023
- Soulages et l’art lointain chinois Edition : Bernard Chauveau 23 août 2022
Brou de noix, 65 x 50 cm, 1947, Fondation Otto Domnick, Nürtingen (Allemagne). Photo AMS.
Peinture,300 x 236 cm, 9 juillet 2020, présentée au musée du Louvre en 2009. Photo AMS.
.