David Hockney
Vendredi 20 décembre 2024Conférence de Cendrine Vivier, historienne de l’art.

David Hockney, né en 1937 à Bradford (Angleterre), est un artiste prolifique et innovant, réputé pour son exploration constante des styles et des techniques. Sa carrière, qui s’étend sur plusieurs décennies, est marquée par une quête incessante de renouvellement artistique et une capacité unique à capter la beauté du monde.
Enfance et premières influences
Hockney a grandi dans une famille modeste et aimante. Ce soutien familial a permis au jeune David d’intégrer l’école d’art de Bradford à 11 ans. Cette période a formé sa base académique, notamment par une étude rigoureuse du dessin et de la perspective. En même temps, il produit des œuvres originales comme son Autoportrait daté de 1954 qui annonce son attrait pour les couleurs et une vision personnelle teintée de légèreté et d’humour.Il se nourrit aussi visuellement de grands maîtres de la peinture anglaise comme Walter Richard Sickert et des artistes de l’Euston Road School, qui prônaient un réalisme épuré.Cette curiosité est un élément essentiel de sa personnalité qui se manifeste tout au long de sa carrière.
Ascension à Londres et la période des années 1960
En 1959, Hockney entre au prestigieux Royal College of Art de Londres, un moment déterminant dans sa carrière. Il se nourrit des effervescences culturelles des Swinging Sixties et explore différents styles, influencé par l’expressionnisme abstrait (notamment Jackson Pollock ou Willem de Kooning) et par les œuvres de Picasso, qui reste pour lui une figure centrale. Ses peintures de cette époque combinent des éléments figuratifs et abstraits, intégrant souvent des références littéraires, comme celles au poète grec Constantin Cavafy ou au poète américain Walt Whitman, et des allusions à sa propre homosexualité.
Un exemple frappant est The Third Love Painting, où il évoque la distinction entre amours hétérosexuels et homosexuels, dans un style humoristique mais évocateur. À cette époque, il commence également à s’affirmer en tant qu’artiste engagé, tout en gardant une touche de légèreté dans ses créations.
Le Pop Art et ses nuances
Bien que souvent associé au Pop Art, Hockney n’a jamais pleinement revendiqué cette étiquette. Une de ses œuvres emblématiques, Typhoo Tea, une boîte de thé agrandie en format tableau, montre cependant une affinité avec ce mouvement. Il y mêle illusionnisme et culture populaire, tout en affirmant son individualité stylistique.
New York et l’Italie
En 1961, après avoir remporté un prix de gravure, il se rend à New York, où il découvre une ville vibrante et des communautés artistiques dynamiques. Il se teint alors les cheveux en blond, influencé par une publicité américaine affirmant que « les blondes ont plus de fun ». Ce geste résume l’essence même de son caractère : un artiste qui célèbre la vie .
En 1962, un voyage en Italie lui permet d’admirer les œuvres des grands primitifs italiens et les maîtres de la Renaissance, comme Fra Angelico et Piero della Francesca. Ces peintres, avec leur clarté et leur maîtrise de la lumière, influencent durablement son travail, notamment dans ses portraits et ses explorations de la perspective.
La Californie : lumière, couleurs et piscines
En 1964, Hockney s’installe à Los Angeles, une transition majeure dans sa vie et son art. La Californie, avec son soleil, ses piscines et sa culture libérale, devient une source d’inspiration centrale. Il immortalise ce cadre dans des œuvres telles que A Bigger Splash, où il joue avec la géométrie, les reflets et une palette lumineuse. Ce tableau illustre également sa fascination pour la relation entre temporalité et représentation artistique : un plongeon d’une seconde devient un processus de création étalé sur des semaines.
Dans ses séries de piscines et de scènes domestiques, Hockney capture à la fois la sensualité des corps et la simplicité des moments quotidiens, tout en expérimentant l’acrylique pour obtenir des surfaces planes et des compositions graphiques.
A bigger splash – Photo AMS.
Domestic scene – Photo AMS.
C’est également à Los Angeles, à l’école des Beaux Arts où il donne des cours d’été, qu’il rencontre Peter Schlesinger, un de ses étudiants qui devient son amant et sa muse. Leur relation passionnée, riche en échanges artistiques, lui inspire de nombreux tableaux.
Portraits et exploration des relations humaines
Hockney est aussi un maître du portrait. Sa série de doubles portraits, comme American collector ou Mr and Mrs Clark and Percy, explore les dynamiques intimes des relations humaines. Chaque détail est méticuleusement pensé, des attitudes des personnages à l’environnement qui les entoure. Ses références aux maîtres de la Renaissance italienne, tels que Fra Angelico et Piero della Francesca, se retrouvent dans la clarté et la précision de ses compositions. D’autres tableaux comme celui Christopher Isherwood et Don Bachardy, manifestent une autre évolution : à partir du moment où l’homosexualité est décriminalisée en Grande Bretagne David Hockney cesse de peindre des hommes nus, il représente les couples homosexuels de la même manière que les couples hétérosexuels.
American Collectors (Fred and Marcia Weisman) – Photo AMS.
Christopher Isherwood and Don Bachardy – Photo AMS.
Photographie, collage et perspective inversée
Dans les années 1980, Hockney se tourne vers la photographie et le collage, expérimentant de nouvelles façons de représenter l’espace et le temps. Inspiré par le cubisme de Picasso, il crée des photomontages qui offrent une multitude de points de vue sur un même sujet, comme dans Scrabble Game ou dans Mother rendant ses œuvres dynamiques et immersives.
En parallèle, il explore la perspective inversée, où le spectateur devient le point central. Cette technique, influencée par l’art byzantin et les icônes russes, transforme la perception de l’espace dans ses paysages hollywoodiens.
Mother Photo AMS.
Retour à la nature et œuvres monumentales
Dans les années 1990, Hockney revient à des représentations plus figuratives, souvent réalisées en plein air, un choix audacieux à une époque dominée par l’art abstrait. Ses séries sur les paysages du Yorkshire et ses immenses tableaux, comme ceux dédiés au Grand Canyon, reflètent son émerveillement pour la nature et son goût pour le gigantisme. Il s’inspire aussi de la palette colorée de Bonnard et des compositions lumineuses de Monet.
A bigger grand canyon – Photo AMS
David Hockney peignant en extérieur – Photo AMS.
Expérimentations technologiques
Hockney reste en phase avec son époque, intégrant les technologies modernes à son processus créatif. Il utilise l’iPad pour dessiner, mélangeant tradition et innovation. Ces œuvres numériques, exposées dans des galeries prestigieuses, témoignent de son adaptabilité et de sa passion pour l’expérimentation.
La Normandie et la maturité artistique
Dans les dernières années, Hockney s’installe en Normandie, où il continue à peindre des paysages, en capturant l’évolution des saisons dans des œuvres monumentales. Sa série The Arrival of Spring est un hommage à la beauté simple de la nature. À travers ses créations, il montre qu’à plus de 80 ans, son regard reste empreint d’une curiosité et d’un émerveillement intacts.
Héritage et philosophie artistique
David Hockney est un artiste qui défend la peinture figurative et le regard attentif sur le monde. Pour lui, l’art est une célébration de la vie, une invitation à voir et à ressentir intensément. Comme il le dit : « Le monde est très beau, si vous le regardez vraiment. » Son œuvre, riche et diversifiée, incarne cet émerveillement et continue d’inspirer des générations d’artistes.
Pour aller plus loin
www.hockney.com
Manao Tupapau – Olympia . Photo AMS