« Sur les pas de Van Gogh à Auvers »
Vendredi 15 décembre 2023Conférence de Barbara Elbaz, guide à la Maison Van Gogh, Auvers-sur-Oise.
Avant d’évoquer la dernière période artistique de Vincent Van Gogh (mai à juillet 1890), Madame Elbaz revient sur les dates importantes de sa vie.
Vincent Van Gogh naît dans une famille bourgeoise le 30 mars 1853, aux Pays-Bas, près de Breda. Un an plus tôt, le 30 mars 1852, un enfant, également prénommé, Vincent était mort-né.
Vincent grandit à la campagne, faisant de longues promenades dans la nature, ce qui pourra être considéré comme une seconde religion.
À l’adolescence, ses parents le mettent en pension. Il vit, alors, son premier ressenti d’abandon.
En 1869, il se rend à La Haye, chez son oncle Cent, galeriste, qui l’initie et lui offre le poste de marchand d’art. Grâce à sa connaissance des langues étrangères, il est envoyé à Paris puis à Londres, ville dans laquelle il connaît sa première rupture amoureuse qui le marque profondément. C’est aussi le point de départ de son impressionnante correspondance avec son frère Théo.
Vincent revient à Paris en 1875. Suit alors une période d’errance entre Paris, Anvers et Londres, durant laquelle il se consacre de plus en plus à la religion. Au cours d’un bref passage en Wallonie, il partage les conditions de vie des ouvriers et débute sa carrière de peintre : sa palette sombre reflète la misère côtoyée. Il signe ses premiers tableaux de son seul prénom. Ceux-ci ne sont pas appréciés, surtout par son frère Théo.
Les mangeurs de pomme de terre. Van Gogh, 1885, à Nuenen. Van Gogh Museum, Fondation Van Gogh, Amsterdam.
Il part définitivement d’Anvers pour Paris en 1886, où il découvre le japonisme. Il devient l’ami d’Émile Bernard (peintre et graveur) et de Paul Gauguin. Il s’imprègne des différents courants artistiques qu’il découvre (Signac, Toulouse-Lautrec). Cette période est marquée par une riche production de portraits et d’autoportraits.
Deux Japonaiseries Pont sous la pluie et Prunier en fleurs. Van Gogh, 1887, à Paris, d’après Hiroshige. Google art and culture *.
En 1888, Vincent quitte Paris, trop trépidante, pour Arles. Il rencontre le couple Ginoux qui lui loue la « maison jaune », dont il espère faire une maison d’artistes. Sa palette, qui s’était éclaircie à Paris, est maintenant à prédominance jaune. Au cours de ce séjour, il peint La vigne rouge, tableau très bien accueilli par la critique, notamment Albert Aurier, et par ses pairs dont Claude Monet. C’est la seule œuvre qui sera vendue de son vivant. Cette reconnaissance soudaine, et tant attendue, provoque chez lui une angoisse supplémentaire.
Le seul peintre à répondre à son invitation est Paul Gauguin. Au cours de son séjour, celui-ci se montre jaloux de la maîtrise et de la grande productivité de Vincent, ce qui provoque une dispute entre les deux artistes, déclenchant une crise au cours de laquelle Vincent se mutile l’oreille.
La vigne rouge à Arles. Van Gogh, 1888. Musée Pouchkine, Moscou. Domaine public via The Yorck Project, Wikimedia commons
En 1889, Vincent est interné volontairement à Saint-Rémy de Provence, où il continue de peindre.
Sur les conseils de Camille Pissarro, patient du Docteur Gachet, Vincent arrive à Auvers en mai 1890. Durant les 70 derniers jours de sa vie, il y produit 74 peintures, 33 dessins, 1 eau-forte et écrit 24 lettres nous éclairant sur ses états d’âme.
Auvers n’étant qu’à une heure de Paris, Van Gogh se rapproche physiquement de son frère Théo. Il y retrouve la nature, le calme et la lumière particulière du Nord. Dans la deuxième lettre auversoise à Théo, il écrit « Réellement, c’est gravement beau. C’est de la pleine campagne caractéristique et pittoresque ». À Auvers, Vincent retrouve d’autres artistes, ainsi que le Docteur Gachet, lui-même peintre. Celui-ci utilise l’art comme thérapie pour soigner la mélancolie. Vincent suit ses conseils et s’épuise alors dans une production frénétique.
Van Gogh loge à l’auberge Ravoux, pour 3,50 francs en pension complète. Ses thèmes de prédilection sont la campagne, les champs de blé où les personnages sont souvent absents, les chaumières qui lui rappellent son Brabant natal, et le village.
Il peint également son entourage : Le docteur Gachet et sa fille Marguerite, l’aubergiste Ravoux et sa fille Adeline.
Mademoiselle Gachet dans son jardin. Musée d’Orsay. Photo vggallery. Domaine public via Wikimédia. Marguerite Gachet au piano. Van Gogh, 1890.*
Sa palette tend plus vers les bleus, les mauves et les verts. Ses paysages sont marqués par une ligne d’horizon très haute, inspirée du japonisme, le pointillisme, des hachures ou des lignes ondulantes et des aplats.
Théo continue à le soutenir, malgré ses propres ennuis financiers. Ne pouvant lui fournir autant de toiles que nécessaire, Vincent emprunte trois torchons de l’auberge pour peindre, notamment le Jardin de Daubigny. Il entame une longue série de champs, utilisant le format double carré (1 m sur 50 cm), influencé par les grands formats de Puvis de Chavannes.
Champs de blé, La plaine à Auvers. Van Gogh, 1890. Musée du Belvédère, Vienne. Domaine public via Institut Culturel Google
Début juillet, sa peinture montre une dégradation de son état mental, notamment avec le Champ de blé aux corbeaux , peint autour du 10 juillet. Lorsque Théo lui annonce qu’il ne se rendra pas à Auvers durant l’été, Vincent se sent de nouveau seul et abandonné.
Selon la thèse officielle récente, le 27 juillet Vincent se lève à 5 heures, comme tous les jours, prend son matériel et va peindre sa dernière toile Racines. Après déjeuner, il retourne dans les champs de blé où il se tire une balle dans la poitrine. Rentré à l’auberge, il agonise durant deux jours et décède le 29 juillet 1890. Théo assiste à ses derniers instants.
Vincent Van Gogh est enterré à Auvers. Théo meurt en janvier 1891. Il est inhumé quelque temps après à côté de son frère, grâce à l’intervention de son épouse, Johanna. Cette dernière a eu un rôle essentiel pour la connaissance de la vie et de l’œuvre de son beau-frère Vincent. Ainsi, en 1905, elle organise, à Amsterdam, une grande rétrospective de plus de 450 œuvres. En 1915, avec le soutien d’Émile Bernard, elle fait publier sa très riche correspondance.
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La conférence est suivie du film La passion Van Gogh de DK Welchman (2017). Il s’agit du premier long métrage d’animation réalisé uniquement avec des toiles peintes à la main, utilisant plus de 120 peintures de l’artiste.
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Pour les personnes désireuses d’approfondir le sujet, Barbara Elbaz suggère la lecture de quelques ouvrages :
* Vincent Van Gogh à Auvers, par Knapp et Van der Veen – 2009, Chêne.
* Attaqué à la racine. Enquête sur les derniers jours de Van Gogh, par W. Van der Veen – 2020, Arthénon.com.
Vincent van Gogh, les dernières lettres, par Emmanuel Coquery – Hazan, 2023.
(*) Toutes ces œuvres sont la propriété du Van Gogh Museum. Droits : Van Gogh Museum, Fondation Van Gogh. Amsterdam.
Le jardin Daubigny. Van Gogh, 1890. Hiroshima Museum, Japon. Domaine public via The Yorck Project, Wikimedia Commons
Champ de blé avec des corbeaux. Van Gogh, juillet 1890.*
Racines. Van Gogh, juillet 1890. VGM, FVG