Niki de Saint Phalle,
Vendredi 18 avril 2025Conférence animée par Cendrine Vivier, historienne de l’art

Niki de Saint Phalle, née en 1930 dans une famille bourgeoise française, développe très tôt un esprit de rébellion et une volonté farouche de s’extraire du modèle féminin traditionnel. Après une jeunesse marquée par l’exil, le déchirement culturel entre la France et les États-Unis, et des traumatismes familiaux lourds, ce “Napoléon en jupons” choisit la voie artistique, en autodidacte, influencée par des figures comme Rauschenberg ou Pollock.
Installée au Chelsea Hotel à New York, elle entame une œuvre provocante, traversée par les thématiques du corps féminin, de la maternité et de la souffrance. Ses premières œuvres majeures (La Crucifixion, les accouchements) dénoncent les carcans patriarcaux. Elle explore dès les années 60 des formes nouvelles de création : assemblages, collages…. Elle transforme la peinture en performance en inventant les « tirs », actes violents mais libérateurs, où elle utilise une carabine pour faire jaillir la couleur, faisant participer le public.
Sa rencontre avec Jean Tinguely marque le début d’une collaboration intense et fertile. Ensemble, ils explorent un art hybride, mécanique et poétique, mêlant matériaux bruts et formes libres. Niki de Saint Phalle s’intègre à des mouvements majeurs comme le Nouveau Réalisme ou la Figuration Narrative,tout en développant un langage plastique unique, nourri de mythes, de récits personnels et de symboles puissants.
La série des Nanas, figures féminines monumentales et joyeuses, marque son apport majeur à l’art contemporain,célébrant le corps, la liberté et la puissance des femmes, elles envahissent l’espace public.Certaines, cependant, grotesques et inspirant l’angoisse, évoquent une face plus sombre de sa vie comme La promenade du dimanche, ou la Toilette, métaphores de la mère dévorante et du père prédateur.
Accouchement rose, 1964, Moderna Museet, Stockholm, Photo AMS.
Tir, 1961, Centre Pompidou, Photo AMS.
Léto ou la Crucifixion, vers 1965, France Centre Pompidou. Photo AMS.
Ces sculptures sont faites de papier collé et de laine, puis de résine. L’artiste crée aussi avec Jean Tinguely les Nanas-maisons qui se visitent, tout à la fois, musées et attractions. Le Jardin des Tarots, œuvre monumentale réalisée en Toscane, constitue l’apogée de sa vision artistique : un espace magique mêlant art, architecture et spiritualité. Ces sculptures monumentales, inspirées par Gaudi et le Facteur Cheval, sont constituées de béton et recouvertes de céramiques polychromes, de mosaïques de miroir…
“Elle – une cathédrale” Moderna Museet de Stockholm, 1966 (Œuvre éphémère) Photo AMS.
La toilette, 1978, Nice, collection MAMAC, donation de l’artiste en 2001. Photo AMS.
La lune, jardin des Tarots, 1987 Photo AMS.
La fontaine Stravinsky, 1983, Paris Photo AMS.
Les Nanas, Photo AMS.
Les Nanas, Photo AMS.
Malgré une santé fragilisée par les matériaux utilisés, elle poursuit son œuvre avec détermination. Dans les années 1980-90, elle s’engage dans des causes sociales, crée des œuvres éducatives sur le sida, réalise des sculptures pour enfants malades, et continue d’enchanter l’espace public avec des œuvres ludiques et colorées comme la Fontaine Stravinsky, réalisée en collaboration avec Jean Tinguely.
Jusqu’à sa mort en 2002 à San Diego, Niki de Saint Phalle crée sans relâche, malgré la maladie. Engagée, audacieuse, elle a fait de l’art un outil de transformation personnelle et sociale… Son œuvre, accessible et universelle, occupe une place essentielle dans l’histoire de l’art du XXe siècle.
Pour aller plus loin :
- Niki de Saint Phalle- Les années 1980 et 1990. L’art en liberté
Édition publiée sous la direction de Lucia Pesapane et Annabelle Ténèze
Collection livres d’art-Gallimard
- Le Jardin des tarots-Niki de Saint Phalle-Edition Actes Sud
- Niki de Saint Phalle, la révolte à l’œuvre, Catherine Francblin Paris, Hazan, 2013
- « A bas l’art pour le salon ! L’art public de Niki de Saint Phalle, à la fois pionnier, politique, féministe et magique » – catalogue de l’exposition : Niki de Saint Phalle, Paris, RMN, 2014,