Le retour de Pierre Bonnard
Vendredi 3 mai 2024Par Stéphane Guégan, historien de l’art
Japoniste obsessionnel, intimiste espiègle, impressionniste tardif, nudiste voluptueux, greffier mélancolique du quotidien et de la fuite du temps…Les tentatives visant à résumer Pierre Bonnard (1867-1947) d’un mot ou d’une formule ont toutes échoué. On croit aussi le grandir en faisant de Matisse et de Mark Rothko, peintres de l’ivresse solaire, ses héritiers directs.
Il y a du vrai dans toutes ces approches, l’erreur est de les opposer ou de réduire cet artiste génial à l’évidente séduction de ses tableaux. Bonnard fut bien plus que l’observateur malicieux ou sensuel des mœurs bourgeoises, cultivant un hédonisme confortable, apte à fidéliser une clientèle vite internationale.
Sans ignorer le charme que lui reconnaissait Renoir, ce livre* fait le pari d’un artiste autrement ambitieux et plus profondément ancré aux deux siècles qui furent les siens. Voilà un peintre, un photographe et très vite un décorateur aux mille prouesses, qui s’élance au temps des attentats anarchistes, devient un des piliers de la Revue blanche, et un acteur de l’Affaire Dreyfus au côté d’Alfred Jarry, avant de se lier à Ambroise Vollard et à la galerie Bernheim-Jeune, et traverser, en triomphe, les folles années 20, le Front populaire et l’Occupation.
* Bonnard par Stéphane Guégan-paru le 22 novembre 2023 aux Editions Hazan
L’amandier en fleurs, Bonnard vers 1930
Musée Bonnard domaine public via collection en ligne musée Bonnard
Estampe. Petites scènes familières dimanche matin 1893, Bonnard, domaine public. Musée Bonnard via collection en ligne musée Bonnard
La Loge avant 1947. Bonnard, Musée d’Orsay domaine public via commons wikimedia
Suivre sa carrière, c’est aussi communier avec le bocage normand et les pentes du Cannet se pencher sur ses liens avec le monde politique, observer le flux des commandes, et le cours de ses tableaux. Sa vie elle-même, au-delà des femmes qu’il a tant aimées et si bien glissées dans ses toiles méritait un examen plus approfondi. L’homme et l’œuvre, au terme d’une enquête qui ne les sépare jamais, justifient pleinement la thèse de l’ouvrage : n’en déplaise à Picasso, Bonnard, soucieux de la beauté du monde, fut l’un des grands inventeurs de l’art français.
Stéphane Guégan
Paysage du Cannet, Bonnard, 1923. Musée Bonnard domaine public via collection en ligne musée Bonnard.
La soirée s’est poursuivie avec la projection du film « Bonnard, Pierre et Marthe » de Martin Provost, sorti en 2023, avec Cécile de France et Vincent Macaigne dans les rôles titres.
Photo Claude, Andrée Terrasse Charles, Jean et Robert 1899 musée Bonnard
domaine public via collection en ligne musée Bonnard. photo Patrice Schmidt
Paysage décoratif dit l’arbre et la dormeuse 1921
Musée Bonnard domaine public collection en ligne musée Bonnard. Photo RMN et Grand Palais