Une journée dans le Libournais
Lundi 8 avril 2024En ce lundi matin printanier, la cinquantaine d’adhérents prévue était au rendez-vous à 8 h 30. Il ne manquait que le car, arrivé avec une demi-heure de retard. Malgré cet impondérable, le programme initial a été maintenu.
À Libourne, le soleil est de la partie, lorsque nous arrivons sur les bords de la Dordogne, à la confluence avec l’Isle. À quelques encablures, sur la ravissante place centrale de la bastide, nous découvrons le musée des beaux-arts, situé au deuxième étage de l’hôtel de ville, bâtiment du XVe siècle.
Le Musée des Beaux-Arts
Nous sommes reçus par Caroline Fillon, Conservatrice du musée en poste depuis 3 ans après 16 années passées au Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux. Elle est accompagnée d’Irène Ripault-Monteiro chargée des relations publiques et de Mathilde Dreyer en contrat d’apprentissage de médiation culturelle.
Un peu d’histoire
C’est en 1818 que le musée fut fondé, à la demande du Président du Conseil de Louis XVIII, Elie Decazes, originaire du Libournais. Grâce à cet amoureux des arts, de véritables chefs-d’œuvre issus des collections du Louvre ont rejoint ce « petit musée » de ville moyenne et y sont toujours conservés.
Certains tableaux proviennent de sa collection personnelle, d’autres dons et legs ont enrichi, par la suite, les réserves qui comprennent 4 500 pièces dont 400 peintures et 900 dessins. En raison de l’étroitesse des lieux, seules 120 à 140 œuvres sont exposées dans les salles. Des expositions temporaires sont programmées dans la chapelle du Carmel.
Visite guidée du musée
Les salles du musée sont organisées par école : italienne, du nord (flamande et hollandaise) et française. De très belles icônes du XIVe siècle attirent notre attention, avant de nous attarder sur l’une des nombreuses acquisitions qui font la fierté du musée libournais : Jésus chassant les marchands du temps de Bartolomeo Manfredi, disciple du Caravage. Cette œuvre a fait l’objet d’un prêt en 2016 au Metropolitan Museum de New York, dans le cadre de la politique d’échanges avec d’autres musées. Le portrait d’une dame de qualité , datant du XVIe siècle nous révèle le talent de Sofonisba Anguissola, une des premières femmes peintres professionnelles, classée dans le courant maniériste. Le retour du fils prodigue par Bassano complète la collection italienne.
L’école française n’est pas en reste, avec notamment La Réception du Duc et de la Duchesse d’Angoulême venant présider les élections législatives à Bordeaux en 1815 de Benjamin de Rolland, La Pentecôte de Nicolas de Plattemontagne, et Les adieux de Marie Stuart partant pour l’Écosse de Théophile Lacaze, peintre local.
Dans la seconde salle, nous découvrons des artistes avant-gardistes des XIX et XXes siècles. Figure en bonne place, René Princeteau, peintre libournais (1843 -1914), ami du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec et de son fils Henri, dont il fut le premier maître. Ses œuvres, principalement animalières, nous rappellent l’exposition bordelaise consacrée à Rosa Bonheur visitée en 2022. Une toile gigantesque Patrouille de Uhlans surprise par une embuscade de francs-tireurs nous attire tel un aimant, par sa noirceur. Pourtant, à l’origine, les couleurs étaient bien présentes (*).
Patrouille de Uhlans surprise par une embuscade de francs-tireurs – R. Princeteau, 1871. Photo AMS
Si l’artiste local a la part belle dans cette salle, il ne peut faire passer sous silence les tableaux de Foujita (L’amitié) , de Dufy (Le haras du Pin) , ou encore les Dunes à Montalivet du peintre rochefortais Louis-Auguste Auguin. La présence du bronze Esculape de Rodin nous surprend : une telle œuvre dans un musée de province ! Les musiciens arabes d’Henriette Desportes nous souffle un air oriental, tandis que sa voisine de cimaise, La secrétaire de Jean Despujols nous entraîne vers l’art nouveau.
Un ensemble de verreries d’Alphonse Giboin, émailleur sur verre charentais nous donne le signal de départ pour le déjeuner. Avant de quitter le musée, nous nous arrêtons un instant sur une caisse en bois d’1 m3 appelée Cub’Art. Décomposée en plusieurs plans, la toile les musiciens arabes évoquée plus haut, invite les enfants à entrer dans la danse sur un fond musical pour une approche artistique des plus originales.
Avant de nous rendre au Château de Vayres, il nous fallait reprendre des forces. Le Bistrot Maritime, au bord du fleuve, nous attendait pour une pause gourmande.
Le château de Vayres
Classé Monument historique, ce château constitue un site remarquable par sa situation géographique, son histoire, son architecture et ses jardins.
À cet endroit, se trouvait un oppidum gallo-romain du nom de Varatedo, construit sur la voie romaine reliant Bordeaux à Périgueux. Grâce à des fouilles archéologiques en 1992, mettant à jour une douzaine de fours, on comprend l’importance de l’activité de poterie sur le site. Localisé sur les rives de la Dordogne, le château bénéficiait de deux voies de communication, routière et fluviale, facilitant le commerce d’huile et de vin. Après l’invasion par les barbares, il faut attendre le Moyen-Âge pour que des documents attestent, de nouveau, d’une présence humaine. Fin du XIIIe siècle, l’édification du bâtiment tel que nous le découvrons commence. En entrant, nous franchissons une première cour, dite basse-cour, regroupant à l’époque les tâches de la vie quotidienne, puis une seconde, la cour d’honneur.
Apporté en dot à Amanieu VII d’Albret, accédant alors au titre de Seigneur de Vayres, il reste dans la famille d’Albret durant 300 ans, jusqu’à Henri de Navarre, fils de Jeanne d’Albret et futur roi Henri IV. À la mort de sa mère, Henri devenu roi, revend le château à Ogier de Gourgue qui le transforme en résidence d’agrément en faisant appel à Louis de Foix, architecte renommé et ingénieur du phare de Cordouan. Celui-ci fait percer les grandes fenêtres et crée la belle façade de style maniériste, très en vogue à l’époque. Durant la Fronde, le château est assiégé. Sa restauration permet de créer des terrasses, le pont-levis est supprimé. Ce sont les derniers changements notables sur la structure extérieure du monument.
Nous pénétrons dans le bâtiment par la galerie Renaissance, dont de grandes dalles girondines recouvrent le sol. Au mur, sont exposées de magnifiques tapisseries, dont le propriétaire actuel est collectionneur, provenant des manufactures des Gobelins, Aubusson, Beauvais. Un coffre de mariage en bois d’Italie, un coffre d’église, deux bâtons de procession du XVIIe siècle, vestiges de la confrérie des maréchaux-ferrants, complètent le décor. Dans la chapelle privée voisine, dite des murmures, le silence est de rigueur. La cuisine du Moyen Âge attenante surprend par sa rusticité et son manque de clarté. À côté du four à pain, la grande cheminée témoigne de sa double utilité passée : chauffer et éclairer. La pièce suivante est la salle des banquets, à l’origine salle des gardes. Un miroir, témoin de la richesse du propriétaire de l’époque, reflète les magnifiques lustres et boiseries. Une seconde cuisine, plus lumineuse et spacieuse nous laisse découvrir un très beau potager en faïence du XVIIIe siècle. Dans le grand salon, à l’étage, on découvre un portrait d’Henri IV, un autre de la Duchesse Montpensier-Bourbon, des canapés et fauteuils de l’époque Louis XIV. On s’attarde sur un tableau retraçant le mythe d’Atalante et Hippomène, avant de poursuivre la visite par la découverte des jardins.
Château de Vayres. Gravure c. 1600 et dessin c.1850. Gallica.Bnf. Base Séléné, bilbliothèque de Bordeaux. A droite Photo AMS
Apporté en dot à Amanieu VII d’Albret, accédant alors au titre de Seigneur de Vayres, il reste dans la famille d’Albret durant 300 ans, jusqu’à Henri de Navarre, fils de Jeanne d’Albret et futur roi Henri IV. À la mort de sa mère, Henri devenu roi, revend le château à Ogier de Gourgue qui le transforme en résidence d’agrément en faisant appel à Louis de Foix, architecte renommé et ingénieur du phare de Cordouan. Celui-ci fait percer les grandes fenêtres et crée la belle façade de style maniériste, très en vogue à l’époque. Durant la Fronde, le château est assiégé. Sa restauration permet de créer des terrasses, le pont-levis est supprimé. Ce sont les derniers changements notables sur la structure extérieure du monument.
Nous pénétrons dans le bâtiment par la galerie Renaissance, dont de grandes dalles girondines recouvrent le sol. Au mur, sont exposées de magnifiques tapisseries, dont le propriétaire actuel est collectionneur, provenant des manufactures des Gobelins, Aubusson, Beauvais. Un coffre de mariage en bois d’Italie, un coffre d’église, deux bâtons de procession du XVIIe siècle, vestiges de la confrérie des maréchaux-ferrants, complètent le décor. Dans la chapelle privée voisine, dite des murmures, le silence est de rigueur. La cuisine du Moyen Âge attenante surprend par sa rusticité et son manque de clarté. À côté du four à pain, la grande cheminée témoigne de sa double utilité passée : chauffer et éclairer. La pièce suivante est la salle des banquets, à l’origine salle des gardes. Un miroir, témoin de la richesse du propriétaire de l’époque, reflète les magnifiques lustres et boiseries. Une seconde cuisine, plus lumineuse et spacieuse nous laisse découvrir un très beau potager en faïence du XVIIIe siècle. Dans le grand salon, à l’étage, on découvre un portrait d’Henri IV, un autre de la Duchesse Montpensier-Bourbon, des canapés et fauteuils de l’époque Louis XIV. On s’attarde sur un tableau retraçant le mythe d’Atalante et Hippomène, avant de poursuivre la visite par la découverte des jardins.
En raison, oserions-nous dire grâce, au retard subi au départ de Saintes, nous avons la chance, avant de quitter les lieux, d’assister au début du mascaret, phénomène exceptionnel ne se produisant en France qu’en Aquitaine lors des grandes marées.
Cette escapade à Libourne nous a fait voyager dans le temps. La pluie incessante sur le trajet de retour n’aura pas effacé de nos mémoires la découverte ou redécouverte des richesses de notre patrimoine régional. Pourtant, à entendre quelques conversations, certains membres du groupe envisagent déjà d’y retourner.
(*) Dès le début du XIXe, ces couleurs étaient fabriquées grâce aux travaux sur le goudron de houille. L’exposition universelle de 1862 a largement médiatisé les possibilités offertes par cette révolution : la création des colorants synthétiques. Malheureusement, déposées sur une toile, plusieurs de ces couleurs pouvaient s’oxyder et noircir.
Jésus chassant les marchands du temple – B. Manfredi, début 17e s. Photo AMS
Portrait d’une dame de qualité – S. Anguissola, c.1570. Photo AMS