NUIT EUROPEENNE DES MUSEES

13 Mai 2023

     A la faveur de cette 19ème Nuit européenne des Musées, nous avons pu intervenir deux fois dans l’Echevinage.
      En premier lieu, avec « l’œuvre de la saison ». Matthieu Dussauge, Conservateur en chef du Patrimoine, avait, naguère, retenu notre suggestion et, depuis deux ans, mis en place ce dispositif qui consiste à exposer temporairement, sur une cimaise dédiée portant toutes les informations utiles, tel tableau ou tel objet issu des réserves ou récemment acquis, qui est ainsi mis en lumière, cependant que sa découverte et l’alternance elle-même donnent idée de la richesse et de la variété des collections. Au moment où il allait quitter Saintes, M. Dussauge a désiré laisser carte blanche aux Amis des Musées pour désigner l’œuvre de ce printemps et pour la présenter. Le choix s’est porté sur Le Bas noir de Louis Berthommé Saint-André. Achetée en vente publique en 2020, cette toile n’avait pas encore été montrée.

Photo © AMS 2023

    Ce soir-là, inaugurant une expérience que nous souhaiterions renouveler, une réaction toute subjective a été brièvement délivrée devant ce tableau : non pas une analyse mais bien une émotion, provoquée ici  par l’accord entre la simplicité du sujet et les correspondances des couleurs, entre le rendu délicat de la peau, par exemple, et la fermeté enlevée de la touche. De là, les questions qui viennent à l’esprit : qui est cette femme, avec ses airs de Jane Avril, sa crânerie pleine de verve, son impudeur sans insolence ? Est-elle surprise dans son intimité ou prend-elle la pose ? Et dans sa chambre ? Un boudoir ? Une loge ? Un tableau est aussi, ou d’abord, une fenêtre ouverte à l’imagination.
      Ensuite, Berthommé Saint-André (1905-1977) a été situé dans son œuvre et son temps. Après sa petite enfance passée à Saintes, il entre, fort jeune, aux Beaux-Arts de Paris et, à vingt ans à peine, reçoit le prix Abd-el-Tif grâce auquel il séjourne à Alger durant deux ans. La lumière méditerranéenne ne quittera plus ses paysages d’Afrique du Nord et de Provence. Pourtant, c’est davantage la femme qui l’inspire ; il en restitue la jeunesse, l’aplomb sensuel, la provocation mesurée en ces moments de l’entre-deux, du désir, où elle se vêt ou se dévêt ; et c’est du reste comme illustrateur érotique (aquafortiste, lithographe) d’ouvrages littéraires qu’il gagne son renom. L’État lui passe, par ailleurs, des commandes de fresques murales (Paris, Poitiers) ; une sélection de ses projets de décorations pour des collèges sera présentée lors des prochaines Journées Européennes du Patrimoine. Si ses peintures figurent dans nos musées et dans ceux de La Rochelle, Angoulême, Alger, New York,…, il faut avouer que, depuis sa mort et la rétrospective organisée à Saintes en 1981, il est quelque peu oublié. Notre choix était donc judicieux, et notre Président souligne, pour conclure, à la fois le modernisme de cette technique et la modernité de cette vision de la femme libre, dans le droit-fil peut-être des portraits de Gabrielle et Laure Borreau que Courbet peignait, en 1862 et 1863, à cinquante mètres de là…

    Notre deuxième initiative, ce soir-là, avait pour but de faire connaître un métier en lien avec les musées, en l’occurrence celui de restaurateur. Au premier étage, devant le grand tableau de Brascassat, Béatrice Huleux, du service des Musées, a rappelé en quelques phrases rapides en quoi consiste la conservation préventive : les réserves, le stockage, la manipulation, l’inventaire, le récolement.

Photo © AMS 2023

     Pour évoquer la conservation curative et la restauration, nous avions convié Aurélie Allavoine et David Pacaud, de l’atelier ROA à Rochefort. Comment accompagner les œuvres dans leur vieillissement ? Le travail curatif se consacre, parfois dans l’urgence, à stabiliser écaillages et craquelures ou à éliminer les infestations biologiques. D’autre part, avec le temps, les couleurs s’altèrent ; le liant peut modifier la couche picturale ; les vernis, s’oxydant, obscurcissent la composition. De la restauration, qui visera donc à réveiller la peinture, à améliorer la lecture de l’œuvre, chaque étape doit être prudente et justifiée. L’examen du tableau de Brascassat révèle qu’il ne présente pas de pièces au dos ni n’a subi de restaurations importantes, mais qu’il a atteint un degré certain d’encrassement. Sous la lampe à UV, des craquelures d’âge voisinent avec d’autres, prématurées, qui font apparaître la préparation blanche sous-jacente. Les analyses scientifiques portent sur le support (dilatation ou non de la toile, nécessité ou non d’un ragréage), sur les pigments, sur la couche de préparation et sur les vernis. Nous apprenons enfin que, dans le cadre des collections publiques, chaque intervention donne lieu à un rapport de traitement assorti de photos, lequel, archivé, accompagne l’œuvre, de manière à mieux comprendre son évolution et à choisir chaque fois le meilleur protocole de travail. Et le propos s’achève par le rappel des trois notions qui valent devise des restaurateurs : stabilité – réversibilité – compatibilité. Le temps imparti à cet exposé à deux voix était bien court, a-t-il semblé, tant l’intérêt était vif et partagé. Dans la cour du musée, un rafraîchissement a permis de prolonger l’échange.

Photo © AMS 2023

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